1950 Ma saga des côteaux de Jurançon
[ Loulou (25-26 ans à l’époque), début des années 1950, qui m’attend à
la sortie de l’Immac et me transporte sur son vélo dans un pays inconnu de
moi et qui m’enchante, à la recherche de champignons et de chataignes.
Avec un bref arrêt dans une ferme pour quémander de l’eau fraîche et des
renseignements et dégustation d’un Jurançon rouge, fabrication domestique,
un peu rapeux, mais offert avec tant d’insistance que nous ne pouvons résister.
Visite en famille dans les années 1940 du couple Roucher, lui prof
d’Allemand, elle, dite marraine (invention de Mam je pense), petite femme
aussi rieuse que son mari est sérieux et un poil compassé, dans la
première maison qu’ils ont habitées sur les côteaux et baptisée du
nom du chemin qui y conduisait, Camardon, qui était une ancienne
maison paysanne d’une certaine allure. Puis dans les années 1950,
dans la villa que les Roucher ont fait bâtir sur une crête qui
domine Pau [pour rejoindre cet endroit la petite route passe devant
l’institution Mont Vert qui fera parler d’elle dans les années 1960].
Des jumelles de marine, énormes, posées sur un rebord de fenêtre,
permettent de lire l’heure à l’église Saint Joseph (notre paroisse,
baptêmes et autres..), église bien visible depuis la rue du Pin où
habitaient nos grands-parents Alexandre et Mammie Cabanne…
Ces petits voyages sur les côteaux m’ont permis d’avoir une idée
de la fortune de ceux qui ont fait bâtir El Patio, dans ce qui était
à l’époque la campagne du Nord de Pau. El Patio, résidence secondaire
d’une résidence principale sise sur les côteaux, non loin de chez
les Roucher dont la maison aurait pu être la modeste conciergerie de
ce château qui ne dit pas son nom, celui des Lindbauch, hollandais.
Début des années 1950 alors que j’étais louveteau-scout, souvenir
d’un « jamboree » important avec concentration de loupiaux venus de
partout, assez jeunes pour être managés par des cheftaines sympas
avec eux, et particulièrement avec moi. Certaines de ces cheftaines
avaient le béguin pour moi, assez grand pour mon âge, et ne s’en
cachaient pas. Particulièrement une petite cheftaine, moins grande que
moi et qui m’aurait bien amené dans les bois voisins. Quel plaisir pour
moi d’être désiré à ce point par des « grandes personnes » aussi belles
et charmantes. Euhhh, ce n’était pas le but recherché par le jamboree,
mais au moins je me souviendrai longtemps de celui-là !
Au cours des années 1950, à l’issue d’une importante chute de neige,
nous avions décidé, mon copain Henri Abadie et moi d’aller faire du ski
sur ces côteaux. Nous attachons les skis sur les vélos et partons à la
recherche des plus vastes pentes enneigées que l’on peut trouver sur ces
reliefs. Malheureusement la neige est lourde et pas suffisamment épaisse
pour recouvrir complètement les hautes herbes. Les schuss se terminent
en général par une chute spectaculaire. Mais peu importe. Nous nous
amusons bien plus que dans la foire d’empoigne des stations de ski comme
Gourette ou La Mongie. Quel beau soleil ici, quelle tranquillité ! Que
de joyeux souvenirs !
Dans les années 1960, on peut citer en vrac, l’épopée Maïky à partir
de Mont Vert, les essais moto avec Bernard Borneuf, le mari de Christine,
les balades en moto avec Chantal, le Mont Doré où Chantal enseigna, Un
feu se rallume avec Mélanie. C’est à la fois délicieux et coupable.
Avec l’impression d’être un bateau emporté par le courant sans que l’on
y puisse rien avant la chute d’eau terminale. On souhaite freiner pour
ralentir le cours inéluctable, mais il arrive un moment où l’on ne peut
plus aborder. Alors à Dieu vat !
Je ne sais pourquoi j’ai pensé tout d’un coup à ce stupide frangin,
Pierre, qui est allé disperser les cendres de Maïky à Mont Vert.
Qu’avait-il à voir avec elle, ce con ?]
Et aujourd’hui avec mon arrière-petite-cousine Jennie, je retourne
sur les lieux des racines des Sarrailhé, lieux qu’is ont quitté définitivement,
selon Jennie, en 1841. Cent ans avant ma naissance, moi jm, l’année de celle
de mon arrière-grand-père Joseph Sarrailhé. [C’est peut-être l’année où
les Sarraihé ont quitté leurs terres pour monter un commerce à Pau
dans le négoce des vins de Jurançon – toutes choses à confirmer.]
Jennie me mène au fond d’un vallon étroit, très encaissé, isolé
de tout. Un lieu bizarre où l’horizon se limite à des pentes boisées
toutes proches. Un lieu d’où l’on ne peut imaginer l’immensité du monde…
Combien de générations se sont succédées ici ? Rien n’a été conservé
de l’antique ferme. Les terrains ont été vendus (à qui appartenaient-ils ?),
les ruines rasées pour construire à la place deux petites merdes modernes.
Pas même une petite stèle pour perpétuer la mémoire de ceux qui ont trimé
ici durant des siècles. Le paysan, le manant doivent s’effacer à jamais.
Qui était le seigneur des lieux avant la Révolution ? [En 1986 et années
suivantes j’ai pu observer le même phénomène aux environs de Lahourcade,
avec ce que j’ai nommé la Maison Mystérieuse, une superbe demeure à
l’origine, tombée en ruine faute d’héritiers, et qui fut rasée dans
les années 1990 pour laisser la place à une villa quelconque. C’est
le sort de bien des anciennes maisons.]
Dimanche 4 Décembre 1960 – Balade sur les côteaux.
Equipe Hervé-Jean. Véhicules : vélos. Trajet : Pau-Côteaux de Jurançon.
A défaut d'escalade.
Parmi les projets du jour Herwick devait rejoindre Fougère à Arudy aux
environs de midi. Je les aurais rejoints en vélo dans l’après-midi.
Et quelle n’est pas ma surprise de voir arriver Herwick en vélo chez moi
à El Patio vers 14 heures, alors que je m’apprêtais à partir pour Arudy.
Sa balade à lui a tourné court place de Verdun à Pau où il heurta de
plein fouet une Dauphine, lui enfonçant une porte et détériorant en
même temps son vélomoteur. Heureusement il est sorti sain et sauf de
l’incident. Je n’ose croire qu’il n’était pas assuré !
A défaut d’Arudy nous sommes allés nous balader en vélo sur de très
jolis côteaux [sans doute ceux de Jurançon], sous un doux soleil. Nous
avons bénéficié d’une vue étonnante sur les Pyrénées, sur l’Ossau en
particulier. Nous cueillons du gui. Et de retour à El Patio nous
terminons la journée en jouant avec une rondelle de plomb. [J’avais
confectionné des rondelles avec du plomb provenant du toit d’El Patio
et mis de côté lors d’une réparation. Je montais ces rondelles sur une
barre à mine de façon à constituer une haltère. La plus lourde pesait
70 kg, mon poids à l’époque. J’arrivais, après entraînement, à faire
un certain nombre de mouvements que mon père m’avait enseignés.]
A quand donc ? [la prochaine sortie].