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JAN 1963

Nov 1962 Courrier Marie et Catherinr depuis Pampelune

Photo : Catherine en 1963

Courrier de Marie et Catherine depuis Pampelune
Elles y ont séjourné du 1er Octobre 1962 au 31 Mai 1963

23 Novembre 1962 – Longue lettre de Marie ornée de 11 petites figures
colorées qu’elle a elle-même dessinées tout au long de la lettre qui
par ce fait devient une missive enluminée. Merci Marie. Cette lettre
est une réponse à ma précédente missive.

Pamplona, 23 – 11 – 1962
Cher Jean,
[Dessin de Marie pensive, le crayon dans la bouche, l’araignée tombant
du plafond au bout de son fil]
Entre deux classes on est venu nous apporter ta lettre et elle
nous a fait terriblement plaisir. Merci. Moi j’aime énormément écrire
mais aussi recevoir des lettres. Aussi je te commence aujourd’hui une
immense lettre, pour te dire quoi ? ça il faut encore que j’y réfléchisse.
D’Abord (tout…) rassure toi il ne pleut plus dans la chambre, il reste
sur le mur de longues et sales trainées, mais nous n’avons même pas dû
nous servir du parapluie du moins à l’intérieur ! Car dehors le temps
continuait à être épouvantable ! Pluie, gris et très froid. Dimanche,
lundi et mardi nous avons même eu de la neige, de la vraie neige très
blanche sur les toits, autour de la fenêtre, mais pour la Sainte Cécile,
jeudi, il faisait beau, du ciel bleu, très bleu et même du soleil [dessin soleil].. tu te rends compte !
Nos élèves sont toujours aussi turbulentes, les Rosa-Maria, Maria-Jesus,
Esther, Assomption, Betlheem se pressent toujours autour du bureau sans
en vouloir jamais déloger, à me dire tout plein de choses affectueuses,
me coiffer, me sourire et me demander des dessins… alors depuis deux
jours j’ai déjà fait à peu près une cinquantaine de crèches avec le mêmes
trois rois Mages, le même sapin, les mêmes bougies [Bougie], travail à
la chaîne. Je dessine aussi beaucoup de [danseuse fandango] et ça, ça
fait vraiment espagnol.
Elles m’offrent de temps en temps des bonbons, ceux de leurs anniversaires
ou fêtes, m’apportent des images, des timbres, de petits cadeaux, me
font sur de minuscules papiers des dessins souvenirs signés et datés,
me demandent mon adresse, m’écrivent les leurs et me promettent toutes
de m’envoyer des « Christmas », car c’est ainsi qu’elles appellent les
cartes de Noël. Si je les croyais, j’aurais aux vacances de Noël un
courrier à faire grogner le facteur. Mais non, car le jour de Noël tout
le monde est de bonne humeur et nous deux Cath et moi ! Tu te rends
compte… il ne nous reste plus que 26 ou 27 jours ! Seulement, ce qu’il
y a de lamentable c’est que demain ou après-demain, si le ciel pleut,
s’il fait plus froid que jamais, si les bonnes sœurs sont plus que jamais
vêtues de noir, si les élèves sont insupportables… il nous restera encore
26 ou 27 jours de froid, de solitude.
Mais il faut oublier ce pessimisme très noir que ta lettre avait chassé
déjà, et te raconter en riant tout ce que nous faisons.
Le soir, enveloppée jusqu’au cou dans mon duvet, j’arrive à travailler
et je recommence à me coucher à des heures à peu près normales : 11h,
11h1/2 …. [dessin de Marie dans son duvet en train de travailler]. Mais
le matin c’est vraiment trop difficile de quitter cette chaleur que nous
avons eu tant de mal à amasser, qui n’est arrivée pleinement qu’aux dernières
heures de la nuit et nous ne sous levons qu’à la toute dernière limite.
9h pour un petit déjeuner à 9h1/2. Au Réfectoire on a changé Catherine
de place, mais moi je garde toujours le radiateur, et ça c’est très appréciable.
Ce soir, vu le froid et la neige, ils ont décroché les grilles noires
et les 43 ou 46 pots de fleurs, on les amis sous le préau. Nous te gardons
les [cadeaux ?]. Si ça continue, à Noël le sapin en sera rempli et Jean
engraissera de façon aussi scandaleuse que sa tirelire ! Mais je suis bête.
Dans ta lettre tu écris le mot »franchement »… alors franchement je
vais essayer de te répondre. Non je ne suis pas trop mal ici. Qu’aurais-je
fait à Gélos ? C’est si difficile de travailler sérieusement avec tant de
distractions autour de soi. Et puis cette « expérience », comme dit grand-père,
est quelque chose de sensationnel pour moi. J’aimerais, beaucoup plus tard,
être prof, avoir des élèves (de 12 ans maximum !) et le pourrais-je jamais
avec tous ces damnés examens ! Alors avec même un peu de courage, en le
disant très vite pour que cela passe mieux, je pourrais dire que j’ai
eu une chance du tonnerre…
Mais c’est dur, très dur, de ne plus être avec ceux qu’on aime, d’être
brusquement et pour si longtemps séparés. C’est tellement dur, même à deux,
d’être si seules. Et en somme à Noël cela ne fera encore que de commencer.
Et on a beau avoir colé au-dessus de son lit des tas de photos, ça ne peut remplacer.

Samedi matin

J’avais abandonné ma lettre, je la reprends ce matin, le jour de
l’anniversaire d’Edouard [24/11/1950]. Il y a encore beaucoup de soleil
et de ciel bleu. Il y a exactement 12 ans nous étions tous les
5 (F. M. C. C. P.) à Chassignolles avec une grosse coqueluche, et
c’est en terminant une crème au chocolat (celle de la Sainte Catherine,
fêtée la veille) qu’un coup de téléphone nous a annoncé Edouard !
Et 12 ans plus tard je me retrouve encore très loin de la famille
(moins loin pourtant) ce jour-là. Mais je ne veux pas y penser car
j’ai beaucoup de travail : bien fêter Catherine. J’avais averti en
cachette ses élèves, et dès ce matin samedi, les « felicidades »
jaillissaient autour d’elle. Cet après-midi nous sortirons ensemble
faire des courses. Mais je te raconterai ça demain, car maintenant
j’ai du travail par-dessus la tête. Je sais bien que vu ma taille
ce ne peut être immense, mais enfin !

Dimanche 25

Et nous avons toujours un soleil fantastique et du bleu à n’en plus
pouvoir…Si ça pouvait durer jusqu’à Noël !
Hier après-midi nous avons été, Cath et moi faire des courses, et
il y a aujourd’hui, sur le rebord de la fenêtre, au [soleil], un joli
fuschia rouge qui est en train d’ouvrir toutes ses clochettes ; nous
découvrons tout un monde de pétales et d’étamines, allant du rose pâle au violet rouge.
Il y a aussi sur une des petites tables (la bleue) deux tas (petits
tas) de gâteaux secs variés, une plaque de chocolat (Suchard aux
amendes grillées, une [boîte] (grosse) de pastilles, une enveloppe
avec mes vœux et un dessin, et même une toute petite [bouteille] de «
Apricot Brandy – Marie Brizard, très jeune fille quoi, rassure-toi.
Voilà, et c’est la Sainte Catherine ; il doit sans doute faire très
beau aussi à Gélos. François est rentré de Bordeaux.
Tâche de les décider à venir le 2 ou le 9… ce serait si merveilleux,
et ces dernières semaines en seraient soudain illuminées.
25 Novembre. Dans un mois nous serons le jour de Noël – on est tenté
parfois de dire déjà, car ça me paraît encore si proche ce jour de ¨Noël
où nous étions tous ensemble autour d’une fondue – puis brusquement ça me
paraît encore trop loin – 1 mois – pourtant si les vacances sont le 19 ou le
20 nous n’en avons plus que pour 3 semaines environ. Mais tous ces calculs
qui changent indéfiniment de signe + ou – vont me rendre folle.
On nous a annoncé ce matin que jeudi était un jour de fête. Il paraît que
Saint François-Xavier est aussi un grand patron de la ville avec [Saint]
Firmin. Et que c’est pour cette raison que c’est férier. Mais je n’y
comprends rien car moi je croyais que Saint François Xavier se fêtait
le 3 Décembre. On verra bien. Leur fête des mères, eux, c’est le 8 Décembre.
Etant donné qu’hier nous avons fait beaucoup de courses, nous sommes
complètement ruinées. Ce n’est pas comme ta [tirelire], aussi nous avons
décidé pour samedi prochain 1er Décembre, une descente chez la Supérieure…
mais nous avons bien besoin de toute cette semaine pour nous armer de courage.
Nous avons trouvé des cartes postales, une du cloître, une de la
petite maison [personnage] mais là je dois te faire toutes mes excuses
car réellement elles ne sont pas très très jolies ! Mais je ne désespère
pas d’en trouver de jolies.
Il faut tout de même mettre un point final à cette lettre. Comme te
l’écrit Catherine ce sera toujours un grand plaisir pour nous que de
recevoir tes lettres et si une terrible envie d’écrire te prend, ne la
laisse pas partir – écris nous pour que, le temps ainsi semé de joies,
Noël arrive très très vite. Donc bonsoir et à bientôt.
Marie
25 Novembre 1962 – Lettre de Catherine
Lettre plus courte que celle de Marie mais tout aussi sympathique.
Catherine, qui n’a pas encore 17 ans, a des progrès , a des progrès à
faire en orthographe ! Le texte est reproduit in extenso.

Pampelune 25 novembre 1962
Cher Jean,
Tes vœux m’ont beaucoup touché et ils m’ont fait énormément de bien car
c’est toute même dur d’être loin de sa famille en cette occasion ; donc
un grand Merci. Nous avons du soleil depuis trois jours, jamais je
n’avais vu un ciel aussi bleu sur Pampelune, un temps à sortir faire des
photos, mais nous avons du travail.
Mes petites élèves deviennent de plus en plus insupportables, je n’en
arrive pas à bout, elles sont pourtant si mignonnes et si affectueuses ;
les plus grandes n’arrivent pas à oublier le « cara de raton » et hier
matin encore parce que je refusais un dessin, je me suis fait traiter
(oh ! gentiment) de cara de raton, non ! Pour moi c’est « face de rat »
et elles partent toutes ld’un joyeux éclat de rire… ça sonne si bien !
Mais tout cela ne peut faire oublier, il nous manquera toujours quelque
chose ici, et n’est-ce pas un peu normal.
Au fait je te dois un autre Merci, (un peu plus modeste celui-là) pour
le papier carbone que tu as glissé sous tes feuilles et qui permet
à mes archives d’engraisser « elles aussi ».
Marie a fait de sa lettre un véritable petit chef d’œuvre et j’ai
vraiment apprécié le dessin d’elle dans son duvet mais l’inspiration
crois moi ça ne vaut pas la réalité et si elle ne bougeait pas constamment
nous pourrions avoir une photo sensationnelle ; elle t’a aussi décrite
dans les moindres détails notre vie quotidienne alors je ne m’y attarde
pas pour t’éviter de relire deux fois les mêmes choses. Encore Merci
j’espère que tu (…) l’inspiration m’a subitement abandonnée, que pouvais-je
bien espérer ?...
Si l’envie d’écrire te reprend saches que nous serons toujours très
contentes d’avoir de tes nouvelles et que vienne Noël.

Bonsoir
Catherine

Suite des courriers de Marie et Catherine, aller en 1963.


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